Qualité & management
Interdire la contention
Sur les Salons de la santé et de l'autonomie une conférence avait pour thème « Objectif zéro contention en EHPAD : des paroles ou des actes ?». Or sur ce même salon, un « dispositif de mise en contention pour les patients agités à domicile mieux adapté pour le soignant et le patient » était primé.
Etonnant non ?
Malgré les recommandations officielles (celles de la Haute autorité de santé - HAS notamment), malgré les lois défendant la dignité des personnes, des malades (4 mars 2002), malgré des études (comme celle de Capuzetti en 2007 qui montrait que les chutes diminuent après l’arrêt de la pose de barrière de lit et un programme d’information associé), malgré les réflexions du Comité National pour la bientraitance et les droits des personnes âgées et handicapées (CNBD), les contentions demeurent un sujet d’actualité.
Le poids de la culture sanitaire, sécuritaire, les personnels qui veulent pallier coûte que coûte le risque de chute, de « fugue », de blessure, la crainte des familles et d'une montée de la judiciarisation des relations soignants/soignés…, les « bonnes » raisons ne manquent pas d’imposer une contention physique, médicamenteuse et parfois passive (un fauteuil coquille renversé vers le plafond, les barrières de lit, les pyjamas enfermants).
On sait pourtant que la contention est délétère : atteinte à l’intégrité de la personne, syndrome d’immobilisation avec fonte musculaire, déclenchement de troubles du comportement, risque aggravée de chutes après la contention jusqu’au traumatisme avec décès par strangulation, incontinence, encombrement bronchique, régression psycho-motrice, dénutrition, déshydratation, peur, anxiété.
N’en jetez plus…
Qui aimerait voir son proche attaché ? Qui se verrait privé de mouvement demain ?
Alors comment faire baisser le taux de contention évalué par l’HAS de 19 à 84% dans les Unités de soin longue durée (USLD) ?
Des services, des établissements fixent un objectif de « non-contention » dans leur projet. L’équipe de direction se positionne clairement. Directeur, médecin, cadre de santé, infirmière coordonnatrice ou référente, chacun est convaincu et va expliquer le principe aux clients/résidents, aux familles, aux proches. L’équipe de direction accompagne les professionnels de terrain dans le prendre soin quotidien : organisation des soins, projets d’accompagnements personnalisés, optimisation médicamenteuse, techniques de communication… Les équipes se réunissent régulièrement pour analyser les pratiques et les situations complexes quand elles surgissent. Le docteur Yves Carteau de la FFAMCO (Fédération française des associations de médecins coordonnateurs) en témoignait aux Salons de la Santé et de l'autonomie.
Et si une prescription de contention est posée elle doit être présentée à la personne, à ses proches et réévaluée dans les 24 heures. Sans oublier qu'une contention implique une "compensation" : plus de regards, de paroles, de touchers rassurants, d'aides à la marche quand on lève cette contrainte. Bref une contention c'est beaucoup d'effort après. Fait-elle vraiment "gagner du temps" ?
Il faut saluer ces directions qui s’impliquent et « prennent le risque » d’affirmer un principe de non contention, de le déployer au quotidien et de l’évaluer régulièrement. Ce principe peut faire évoluer l'architecture de la structure et surtout va outiller les personnels, souvent démunis. Différentes techniques de prendre soin existent, non médicamenteuses notamment, qui ont pour objectif de respecter l’intégrité et la dignité de la personne fragilisée, de la verticaliser chaque jour, de proposer des soins en douceur etc. Les établissements labélisés Humanitude ou qui sont « en route » vers ce label attestent notamment que le « zéro soin de force sans abandon de soin » est possible.
Faudra-t-il comme en Allemagne que la contention ne puisse être autorisée que par un juge pour ne plus la rencontrer fréquemment dans les services ?
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