Accompagnements & soins
Une journée sans montre
On n’a pas le temps
J'ai été ravie de donner la parole lors de la Journée du personnel du Groupe SOS Seniors jeudi 21 avril à Metz, à des salariés d'Ehpad qui se forment à l'approche Humanitude. Certains s'engagent même vers le Label Humanitude, 1er label de bientraitance. D'autres gagnent les Prix Silver Night !
Aides-soignantes, infirmières, agents de services, directeurs, médecin coordonnateur ont raconté comment des soins difficiles, avec des résidents opposants, évoluaient maintenant en accompagnements tout en douceur, avec des personnes qui se remettent debout, reparlent, et communiquent à nouveau avec leurs proches.
La question a fusé très vite à l'issue de ces témoignages : est-ce que cela ne prend pas trop de temps ? A-t-on le temps de proposer ce type de soin ?
"Mais les soins difficiles prennent plus de temps", ont expliqué les aides-soignantes formées. "Ils nous épuisent et mettent en danger la santé des personnes dont on prend soin."
Certes, il faudra accepter de nouvelles pratiques, des reports de soin par exemple : le fait qu'il faudra se représenter auprès d'un résident, un peu plus tard, l'après-midi parfois...
L'engagement de la direction, des cadres, des médecins dans ce projet est fondamental pour permettre le déploiement de cette vision du soin, adapter, personnaliser l'organisation, en un mot "accompagner le changement".
Il faudra aussi organiser la traçabilité des soins a expliqué un médecin coordonnateur. L'enjeu est de pointer par écrit, dans chaque dossier de soin, informatisé ou non, les objectifs posés, les techniques associées. Tout report de soin sera consigné. Cette information est primordiale, pour éviter l'abandon de soin, pour assurer la confiance dans le travail effectué entre équipes mais aussi pour rassurer les proches, les familles qui peuvent s'inquiéter de voir leur parent en petite tenue quand ils viennent le voir.
"Il faut que tout le monde travaille dans le même sens" ont appuyé les professionnels de terrain du Groupe SOS Seniors.
D'où l'importance d'une vision partagée de la bien-traitance, en un mot ou avec le magnifique trait d'union que suggère Danielle Rapoport dans son dernier ouvrage "Bien-traitance et management, de la maternité au grand âge".
Face à la pression du temps, du "faire", du "timing", de ces soins "à la chaîne" qui perdent leur sens, les auteurs de l'ouvrage suggèrent une journée sans montre. Les expériences menées attestent que l'on crée alors plus de continuité dans les tâches qui n'étaient que rythmées, chronométrées. Des temps de transitions, de transmissions s'opèrent, indispensables... pour penser nos pratiques.
"Et au final on gagne du temps ! Dans une ambiance plus sereine, des soins plus apaisés".
"Rien n'est jamais gagné" explique un directeur, "mais le sens est donné, avec des outils et des techniques associées. Il nous faut rester humbles et vigilants".
Ce n'est pas toujours ce que l'on apprend en formation initiale, ce n'est pas non plus dans la culture des institutions que de lâcher la montre, de se faire confiance entre équipes (lors de reports de soin notamment). Cela demande du soutien, beaucoup d'accompagnement du management, une vision positive du prendre soin.
"Vous avez la montre, nous avons le temps" dit un proverbe cambodgien.
Et quel plaisir de voir ces sourires sur les visages de ces professionnels de terrain, fiers de leur travail !
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