Accompagnements & soins
Vis ma vie
Mieux appréhender les réalités de terrain
L'intervention de Dominique Pon, directeur de la clinique cardiologique de Toulouse, a marqué les 1000 professionnels réunis à la Cité des Sciences pour notre 9eme colloque sur les approches non-médicamenteuses. La salle s'est levée d'un seul homme pour saluer ces propos inspirants, l'attitude, l'état d'esprit, bousculant les repères, sans recette toute faite, sans "guideline" ou protocole miracle.
L'idée : aimer l'autre et manager dans la confiance.
Utopique ? Angélique ? Voire démagogique ?
Vous me connaissez, j'ai voulu en avoir le coeur net.
Parmi les propositions de Dominique Pon pour faire émerger la confiance : celle de partir en immersion et découvrir sur le terrain les réalités quotidiennes.
On connaît le "simulateur de vieillissement" pour se mettre dans la peau de quelqu'un qui voit mal, qui entend mal, qui peut difficilement se déplacer, attraper un ustensile. On pourra le tester sur le stand du Synerpa au Salon Solulo SAP cette semaine. Quant à la revue "Gérontologie et société", elle analyse dans son nouveau numéro la question du "corps vieillissant".
On pense aux exercices proposés aux professionnels (de la cuisine, du service, des soins) à qui l'on bande les yeux et que l'on alimente du délicieux "mixé du jour" (demandez aux personnes fragilisées d'alimenter les professionnels pour voir !). On peut aussi installer des professionnels dans les fauteuils roulants pour qu'ils ressentent mieux le fait d'être poussé sans avertissement.
Dominique Pon s'est lui proposé de suivre le travail de ses services (1400 salariés dans sa la clinique cardiologique). Il devient ainsi "stagiaire" à l'accueil, au standard, à la plonge en cuisine, derrière la monobrosse dans les couloirs, au bloc opératoire (à la stérilisation !), ou en observation de moments de prendre-soin comme la toilette (selon chaque personne aidée, chaque accord, assentiments, consentement obtenu)...
On voit ici les ressorts voyeuristes, démagogiques d'émissions TV comme "vis ma vie" proposées à des élus de la République ou à des stars supposés éloignés de la "vraie vie". Mais même dans ces émissions, on voit que lorsque des personnalités que tout oppose, se cotoient, s'entre-aident, émerge le plus souvent la notion d'empathie, réciproque.
Ces quelques heures, ces quelques jours, passés avec les professionnels, en apprentissage des différents métiers d'une structure, éclairent sur les enjeux, les non-dits, les matériels qui manquent, les organisations qui frottent, les personnalités qui se révèlent.
Cette expérience ne veut pas dire que les professionnels sont interchangeables (au contraire !) ou que le manager ira demain prendre la place des acteurs de terrain, ou encore que celui-ci doit être omniscient et "tout savoir sur tout".
Ces expériences permettent, si elles sont menées avec sincérité, de valoriser directement chaque personnel, de découvrir parfois, de valoriser surement chaque belle pratique, chaque qualité professionnelle. Mieux connaître la réalité de l'autre permet surement de mieux travailler ensemble les organisations, les protocoles, les budgets, les relations...
La confiance se bâtit pas à pas et fera émerger de beaux projets qui seront difficiles à refuser.
L'objectif est de mieux accompagner les personnes fragilisées (fédérer autour d'elles selon le Président du GAG Groupement des animateurs en gérontologie), mieux accompagner les les équipes qui prennent soin d'elles, voire les protéger des dérives possibles. L'étude de l'INRS sur les Risques psycho-sociaux a fait salle comble la semaine dernière.
Cette qualité de prendre-soin, c'est ce que je peux constater en visitant les structures labellisées Humanitude.
C'est ce que j'ai pu constater sur le terrain, auprès des salariés de la Clinique cardiologique de Toulouse, pilotée par Dominique Pon.
"Vis ma vie" : oser, pour de belles expériences inspirantes !