ANM - approches non médicamenteuses
La réalité virtuelle pour contrer le syndrome post-chutes
A Paul Brousse, les rééducateurs expérimentent la technologie pour guérir les personnes âgées de leur peur de tomber
Depuis six mois, l’équipe de rééducation de l’hôpital Paul Brousse dispose d’une nouvelle corde à son arc : pour aider les personnes âgées venues suite à une chute à dépasser leur peur de tomber, les soignants se sont intéressés à un outil inattendu, le casque de réalité virtuelle.
« Je suis prête. » Installée dans son fauteuil dans la salle de rééducation de l’hôpital de Villejuif, Réjane B., 85 ans, enfile le gros casque blanc avec l’aide d’une kinésithérapeute.
Il ne diffuse ni des images des fonds marins ni des vues de l’espace, mais tout simplement une vidéo de cette même salle.
Pour les besoins de la rééducation, elle a en effet été filmée par un soignant, debout, avec une caméra 360°. Différents objets ont été disposés sur le sol.
Et la magie opère. Cette femme, qui souffre d’un syndrome post-chute, se penche, tend le bras… avant de réaliser que la sangle bleue qu’elle cherche à saisir n’est pas vraiment devant elle.
« J’avais un peu peur de me pencher en avant, mais je savais ce qui se passait. J’avais quand même ce sentiment de vouloir me baisser pour attraper l’objet », expliquera-t-elle à la fin de la séance.
Vaincre la peur de tomber
Le syndrome post-chute présente une composante physique : la personne touchée marche à petits pas, penchée en arrière, ses muscles sont contractés.
« Ce qui explique pourquoi il est souvent confondu avec une maladie de Parkinson », indique le docteur Edouard Karoubi, chef du service de gériatrie à Paul Brousse.
Mais aussi une composante psychique : le patient a peur de tomber. C’est cette peur que la réalité virtuelle tente d’apaiser.
« La technologie a déjà fait ses preuves dans le traitement des phobies », précise le médecin. Et la rééducation plus classique se trouve facilitée une fois la composante psychique traitée.
Hajer Rmadi, l’une des kinésithérapeutes de l’équipe, observe ainsi une vraie différence entre les patients qui bénéficient de séances de réalité virtuelle et les autres.
Bientôt un outil thérapeutique à part entière ?
Pour cela, il faut avoir une bonne vision et des troubles cognitifs modérés. Une trentaine de patients de 85 ans en moyenne ont expérimenté la technologie à Paul Brousse depuis le début de l’année, à raison de trois séances hebdomadaires pendant un mois.
Les rééducateurs sont accompagnés par une psychologue, Yamina Gasmi, qui évalue l’anxiété des testeurs avant, pendant et après. Pour l’instant, les résultats sont probants.
S’ils se confirment, la réalité virtuelle deviendra un outil thérapeutique à part entière.
«
Nous utilisons du matériel peu coûteux, destiné au grand public, afin
que la technique soit reproductible partout », souligne le docteur
Karoubi.
Prudence sur les autres usages
Et pour d’autres utilisations, comme la stimulation cognitive à destination de malades d’Alzheimer ? Le gériatre préfère rester prudent.
« Avant tout, il convient de réaliser des études, de vérifier qu’il n’y a pas d’effets délétères », insiste-t-il.
C’est ce que l’équipe fera dès la rentrée, en mesurant les effets de la rééducation virtuelle dans des situations où le patient marche.
En attendant de trouver - ou non - d’autres usages à la technologie en milieu gériatrique, le service prêtera l’équipement, contre une caution, aux familles de malades qui ne peuvent quitter l’hôpital.
Ils pourront ainsi vivre virtuellement, en immersion, des événements auxquels ils n’auront pu assister, comme des fêtes de famille ou des mariages.
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