Aller sur la navigation Aller au contenu principal Aller sur la recherche

Qualité & management

Accompagner sans s’épuiser : conseils pratiques pour le niveau d'énergie des soignants et managers

Auteur Annie De Vivie

Temps de lecture 4 min

Date de publication 12/03/2025

0 commentaires

26 ans après leur premier ouvrage pour prévenir le burn out des soignants en première ligne de la relation d'aide, les autrices Michelle Arcand, psychologue, et Lorraine Brissette, assistante sociale, constatent que les pièges individuels et collectifs perdurent (culpabilité, sur-responsabilité) dans un contexte de gestion toujours plus tendu.
Leurs conseils et exercices pratiques invitent à prendre conscience des besoins personnels, du niveau d'énergie nécessaire pour rester en mouvement et avancer vers la règle des 5 P : le premier plus petit pas possible !

Questionner sa motivation, ses besoins fondamentaux, sa culpabilité

Riche de dizaines d'années d'accompagnement des soignants et des travailleurs sociaux, au Québec comme en France, les autrices explicitent les concepts (de motivation, de culpabilité) et partagent aussi leurs expériences, analyses et conseils pratiques éclairés d'exercices concrets, dans cet ouvrage très dense, très bien écrit qui se lit d'une traite ou se picore selon le chapitre qui fait écho aux besoins ou envies.
Un livre pour soi en tant que professionnel de santé, pour les personnes que l'on accompagne, pour les institutions d'aide.

Michelle Arcand et Lorraine Brissette commencent par s'étonner de la permanence, voire de l'aggravation de l'épuisement des professionnels de santé, des travailleurs des services sociaux.

Une situation qui s'est aggravée selon elles par le développement de la Nouvelle Gestion Publique par objectifs, indicateurs de performance et reporting tous azimuts… au risque de perdre le sens du métier du lien, de soignant.

Elles invitent donc les professionnels à s'interroger sur les motifs qui les ont poussés à embrasser leur métier : des motifs affectifs et relationnels, des motifs idéologiques, philosophiques, voire moraux, des motifs matériels et financiers.

"Aucun de ces motifs n'est en soi bon ou mauvais. Un motif ne se juge pas, c'est la qualité de l'intervention professionnelle qui peut se juger", rappellent les autrices (page 50).

Au même titre que les besoins d'attention (être vu, entendu, reconnu), les besoins d'affection (être aimé, apprécié, valorisé) et d'affiliation (être entouré, soutenu), ces trois ordres de motifs sont toujours présents chez chacun d'entre nous. "Ils varient d'un individu à l'autre, leur importance varie d'une situation à l'autre, leur insatisfaction peut engendrer beaucoup de frustrations et la vulnérabilité à l'épuisement peut s'expliquer par un écart très grand entre les motifs d'action et les résultats obtenus sachant que la rémunération fait partie du contrat d'engagement".

La méconnaissance de ces besoins fondamentaux et de ces motifs d'action risque de nourrir la culpabilité, la sur-responsabilité.

Des exercices vont permettre de questionner son niveau de besoins (que chaque professionnel, chaque personne a et est en droit d'avoir) mais aussi son pouvoir d'action : je (ce que sur quoi je peux agir) / tu (ce sur quoi l'autre peut agir) / contexte (ce qui ne relève ni de moi, ni de la personne que j'accompagne).

Les autrices invitent à questionner notre regard sur nous-même et les autres (effet Pygmalion), à repérer les biais cognitifs (de généralisation), l'impuissance apprise, chère au chercheur en psychologie Martin Seligman (page 183).

L'enjeu clé : évaluer son niveau d'énergie physique, émotionnelle, pour le remettre à niveau si besoin et éviter qu'il ne s'effondre.

Rester en mouvement avec la règle des 5 P : le Premier Plus Petit Pas Possible

Face aux démotivations, colères, épuisements, désillusions, découragements, souffrances... les autrices invitent à tenter de rester en mouvement pour dépenser et renouveler constamment son énergie, par la règle des 5 P : le Premier Plus Petit Pas Possible.

A la phrase "je veux que ça change sans changer moi-même", elles proposent des exercices pour interroger ses zones de pouvoirs :
- pouvoirs sur soi, son corps, sa santé, ses envies, ses forces,

- pouvoirs à l'intérieur du cadre,

- pouvoirs face aux conflits (y faire face selon sa sécurité personnelle, émotionnelle, s'éloigner),

- pouvoirs de fuir les discours stériles, les personnalités négatives,

- pouvoirs d'exprimer ses limites, et surtout ses demandes pour une négociation.

Les autrices reviennent sur les travaux de Bernier et Larivière sur le soutien (page 256) : l'intérêt dans les stratégies d'action des soignants, des infirmiers notamment sur la supervision, du soutien clinique, mais aussi des travaux sur l'organisation du travail, la régulation d'équipe avant l'analyse de pratiques.

Elles invitent les professionnels à étudier les retours, ce qui nourrit leur métier : les retours des clients/résidents/familles, ceux des pairs, des managers visibles, en proximité (gratifications, promotions, formations).

Mais après ces années de recherches, Michelle Arcand et Lorraine Brissette espèrent que les professionnels, les institutions, les pouvoirs publics vont passer à l'action : apprendre à reconnaître les besoins, les motifs, les motivations, savoir exprimer une demande, savoir l'accueillir pour la transformer en projet qui se négocie (pas à pas) sans forcément se réaliser.

Elles militent pour une prise de conscience et un travail du "triangle de l'équilibre : corps, émotions, intellect".

Accompagner sans s'épuiser
Guide à l'intention des professionnels de la relation d'aide
Michelle Arcand et Lorraine Brissette
Edition Eres
336 pages - 28€

Partager cet article