Qualité & management
De Medicharme à Clariane (Korian) ou Colisée, comment les groupes privés tiennent la barre face aux tensions financières ?
La tempête financière touche tous les acteurs des Ehpad : le groupe privé Medicharme est placé en redressement judiciaire, Clariane refinance sa dette en cédant des actifs (résidences services seniors). 55 % d'Ehpad tout statut confondu étaient en déficit fin 2022 : le Sénat vient d'ouvrir une nouvelle mission d’information sur la situation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) qui rendra ses conclusions à la fin du premier semestre 2024. Les groupes Clariane et Colisée ont eux évolué en "entreprises à mission" et misent sur la recommandation des clients comme sur les formations de leurs collaborateurs pour tenir la barre face à la tourmente financière.
Explications.
Tensions financières, cessions d’actifs
Taux de remplissage ralentis suite au scandale Orpea, taux immobiliers qui s'envolent (remboursements d'emprunts), tensions sur les ressources humaines, prêteurs échaudés par la défaillance Orpea, inflation de l'énergie, des matières premières… tous les Ehpad souffrent en France, tous secteurs confondus : voir la colère des maires bretons au point que la commission des affaires sociales du Sénat lance une nouvelle mission d'information en février pour un rapport en juin/juillet.
Après Orpea, d'autres acteurs privés commerciaux défaillent : 34 établissements du groupe Medicharme qui en compte 43, viennent d'être placés en liquidation judiciaire (cf. France Info). De quoi affoler les résidents et les professionnels qui y travaillent et espèrent un repreneur.
"Ce ne sera pas Korian", a précisé Sophie Boissard, la présidente de Clariane lors de la conférence de presse sur les résultats financiers 2023 le 29 février. Avec un résultat comptable de moins 63 millions d'euros, le groupe doit poursuivre sa politique de désendettement à hauteur de 1,5 milliard d'euros. Clariane a déjà cédé son réseau anglais pour 245 millions d’euros. En France, il vend sa vingtaine de résidences services seniors car ce réseau n'a pas encore atteint sa taille critique, estime Sophie Boissard. Elle rappelle sa présence au sein des habitats partagés/colocations Ages et Vie, et poursuivra le déploiement du réseau de services à domicile mandataire Petit-fils avec 20 nouvelles agences en 2024.
Miser sur les scores de recommandation des clients/résidents, des personnels
+ 44 : c'est le "Net Promoter Score" de Korian. Un chiffre élevé pour la profession, estime Sophie Boissard. Il est calculé en questionnant le taux de recommandation sans réserve auprès de 100 000 personnes. Il était de + 22 en 2020.
Le NPS reflète la probabilité qu’un client ou proche recommande l’établissement à son entourage. Ce score est calculé comme la différence entre le pourcentage de promoteurs (score de 9 ou 10) et le pourcentage de détracteurs (score de 0 à 6). Le NPS peut évoluer entre - 100 et + 100.
La présidente de Korian estime que ce résultat encourageant se traduit dans le taux d'occupation qui remonte pour atteindre 89,4 %. "Nous sommes en passe de retrouver une activité normalisée", observe la présidente qui salue la résilience opérationnelle des établissements, des équipes.
Même NPS à + 44 chez Colisée en 2022 contre + 39 en 2021. Le groupe vise un taux à +55 en 2025. Il complète son dispositif avec la plateforme WeDoxa qui mesure la qualité de service auprès des résidents et de leurs proches via leurs avis authentifiés (outils certifiés par l’Afnor tel un tiers de confiance).
Colisée publie ces notes en toute transparence sur le site internet et constate d'année en année une nette progression du volume d’avis recueillis (30 000 avis en 2021 pour 58 156 avis en 2022).
Miser sur les formations diplomantes des professionnels et la politique RSE
"Avec 12 % des salariés engagés dans des parcours de promotion diplômants (infirmier, aide-soignant), nous assurons l'avenir du fonctionnement de nos Ehpad", affirme Sophie Boissard.
Clariane a ainsi développé en 2023 une université destinée aux 67 000 salariés dans sept pays européens.
Elle est constituée de trois académies : Académie du soin et de la santé, Académie de la restauration, de l'hôtellerie et des services et Académie des managers et du leadership.
L'offre de l'université Clariane repose sur des partenariats avec des universités de médecine, Ifas, Ifsi, CFA, écoles paramédicales, centres de formation en restauration, écoles de management… Elle vise plus de trente certifications professionnelles et diplômes d'Etat, plus de vingt formations diplômantes en alternance /apprentissage (CFA Clariane des Métiers du soin et CFA des Chefs), plus de trente diplômes d'université et une centaine de formations professionnelles continues (hors ou pendant le temps de travail), les dispositifs de VAE (validation des acquis de l'expérience), des accompagnements (tutorat, plan de développement des compétences, financement…), solutions Passerelle pour la reconversion…
L'université Clariane mise sur des solutions pédagogiques multiples au regard des pressions du terrain avec des formations e-learning, des classes virtuelles, des ateliers-écoles...
80 % des recrutements d'aides-soignants se sont fait par les canaux de formation interne, salue Sophie Boissard qui pointe une ancienneté moyenne de 7,5 ans et un taux d’engagement qui progresse à 79 % en 2023.
Chez Colisée aussi, le groupe met en lumière son Master 2 Dirigeant entrepreneur, vers une génération entreprenante. Le groupe rappelle sa raison d'être en tant qu'entreprise à mission depuis 2021 : "s’engager pour le mieux-vieillir afin de faire grandir durablement notre société".
Ces groupes mettent ainsi en avant leur politique RSE et QVCT : qualité de vie et conditions de travail. Clariane a pour raison d'être "prendre soin de l’humanité de chacun dans les moments de fragilité". Le groupe affiche un taux d'accident du travail à 37 en 2023 contre 52 en 2019 : une baisse de 15 points liée aux investissements en prévention, formation, équipements, liés à la certification ISO 9001, souligne la présidente.
Le groupe annonce aussi une intensité carbone au m2 exploité diminuée de 36 % entre 2019 à 2023 : avec un mix énergétique repensé, une diminution du volume des déchets, un sourcing des achats 80 % locaux.