Qualité & management
Ehpad : le Sénat souhaite un pilotage par la qualité et des contrôles renforcés
Ce 13 juillet, la mission d’information de la commission des affaires sociales du Sénat a rendu son rapport sur la question du contrôle des établissements pour personnes âgées dépendantes et, plus largement, sur l'exercice du pilotage stratégique du secteur par l’État et les autorités de tarification.
renforcer les contrôles ciblés et développer un pilotage par la qualité
Ce 13 juillet, la présidente de la Commission des Affaires Sociales du Sénat : Catherine Deroche (Les Républicains), Michelle Meunier (Groupe Socialiste, écologistes et républicains) et Bernard Bonne (Les Républicains), ont présenté en conférence de presse, les résultats de leur mission d'information.
Bernard Bonne a remercié Victor Castanet et le lanceur d'alerte, cadre de santé, Laurent Garcia, pour le livre-enquête "Les Fossoyeurs" qui a mis en évidence un "système d'exploitation de la grande vieillesse centré sur le rendement financier, non contrôlé, des dotations publique destinées à l'aide et aux soins dans le groupe privé Orpéa en défaveur de la bientraitance et la qualité de vie au travail."
Les travaux du Sénat font apparaître des lacunes dans le contrôle de tous les établissements (manque de suivi des flux entre chaque établissement et le groupe, trop forte centralisation ARS/EPRD Ehpad par Ehpad). "Les limites de ces contrôles viennent de la réglementation mais aussi des moyens insuffisants qui y sont consacrés", estiment les sénateurs. Ils ont noté une diminution de 15% des effectifs des ARS qui n'ont pu se consacrer aux opérations de contrôle . Les sénateurs recommandent de cibler prioritairement les établissements signalés (pour situation de maltraitance) et les groupes privés commerciaux.
Concernant la lucrativité du secteur, les sénateurs souhaitent restreindre les mécanismes de défiscalisation des investissements en Ehpad et favoriser l'investissement dans les établissements publics et associatifs aux prix de journées plus abordables pour les citoyens.
Ils réclament un comité d'animation national des contrôles, piloté par la CNSA, avec les parties prenantes (CPAM, ARS, le Défenseur des droits, Assemblée des départements de France), un comité qui serait décliné sur les territoires, dans les départements.
La commission rejoint aussi celle de l'Assemblée Nationale pour demander le déploiement d'association d'usagers dans chaque établissement (sur le modèle du sanitaire) avec la création d'un Comité National Consultatif des Personnes âgées (en échos au CNCPH pour les personnes handicapées).
Le Sénat veut que les alertes et signalements de cas de maltraitances soient centralisés et traités (cf. l'enfance en danger).
Les sénateurs privilégient les départements comme tête de file des financeurs des établissements pour les sections soin et dépendance qui seraient réunies.
Pour se faire, ils réclament une nouvelle fois, une loi Grand Age qui révise la gouvernance du système en déployant les services territoriaux de l'autonomie décrits dans le dernier rapport de Dominique Libault.
"Outre le renforcement du contrôle (par des évolutions de la réglementation), le déploiement d'un pilotage par la qualité est indispensable à une meilleure prise en charge des résidents et une plus grande attractivité du secteur pour les professionnels » estiment les rapporteurs. Bernard Bonne estime que le déploiement du référentiel de la Haute Autorité de Santé va induire un renforcement des taux d'encadrement.
En conclusion, les rapporteurs estiment que « des mutations profondes du secteur devront enfin être envisagées ».
"Nous voulons œuvrer pour servir les intérêts des plus âgés et non ceux de groupes privés commerciaux", a conclu Michelle Meunier
En savoir plus : accédez au rapport d'information n° 771 (2021-2022) de M. Bernard BONNE et Mme Michelle MEUNIER, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 12 juillet 2022 au format PDF- Accédez à la synthèse du rapport.
De son côté l'Agence régionale de santé d'Ile de France a publié ce 13 juillet les conclusions de 101 inspections-contrôles, menés conjointement avec les Conseils Départementaux dans 7 cas sur 10. 71% des inspections-contrôles ont été effectués dans des établissements privés lucratifs (48% de l’offre francilienne). "Le choix des Ehpad contrôlés a résulté d’une analyse de risques, dont les signalements reçus. A l’issue de cette campagne, 1 établissement a été placé sous administration provisoire. Un peu moins d’un tiers des établissements a fait l’objet d’une ou plusieurs injonctions. L’ARS va désormais assurer le suivi des décisions prises et accompagner les établissements dans l’amélioration des prises en charge."
L'ARS précise que "la majorité des injonctions a porté sur la gestion des ressources humaines (26 injonctions, 13 établissements concernés), la gestion des risques (24 injonctions, 12 établissements concernés), et l’organisation de la prise en charge (19 injonctions, 10 établissements concernés). La phase contradictoire a conduit à lever 10 injonctions au total, qui concernaient 5 établissements."
Ces injonctions sont également réparties entre les établissements privés lucratifs (32% des injonctions), publics (33% des injonctions) et privés non lucratifs (23% des injonctions).
L’ARS Ile-de-France va particulièrement mobilise son Plan Ressources humaines en santé en déployant les recrutements en urgence de personnes en recherche d’emploi, en développant la formation d’aides-soignants et leur recrutement (via les contrats d’allocation d’études) , en favorisant l’accueil des stagiaires qui sont ensuite de futurs collaborateurs et en accompagnant les EHPAD dans la gestion de la période estivale (via un soutien financier aux vacations de professionnels libéraux en EHPAD).
Affaire Orpéa : l’état cherche les moyens de recouvrer les crédits publics détournés de leur objet
L’affaire révélée par le livre « Les fossoyeurs » de Victor Castanet est maintenant portée devant les tribunaux qui ont reçu des dizaines de plaintes d’habitants, de familles, de proches, de syndicats de salariés, sans oublier l’État qui a saisi le procureur de la République sur la base de l'article 40 du code pénal, suite aux rapports d'enquête de l'Inspection générale des finances (IGF) et celle des affaires sociales (Igas).
Aux manquements et dysfonctionnements, s’ajoutent le détournement de crédits publics identifiés dans ces rapports. Reste à savoir par quels moyens juridiques ces deniers seront récupérés : l’Etat, les ARS, les départements, l’Assurance Maladie...
De son côté le groupe Orpéa mène « une série de mesures de remédiation visant à corriger ses processus internes, avec l’objectif d’éradiquer les pratiques identifiées plus haut, lorsqu’elles existaient encore. »
Le groupe vient de rendre public le volet social de l’enquête mandaté aux cabinets Grant Thornton et Alvarez & Marsal.
Ces derniers n’ont pas trouvé d’élément confirmant les allégations suivantes : « pénurie systématique de protections ; rationnement sur l’alimentation et en particulier sur les biscottes et madeleines ; restrictions indues sur les commandes de nouveaux équipements ou matériels (dont les protections) ; pratiques discriminatoires dans le processus d’embauche ».
En revanche, ils ont constaté :
- qu’il existe une procédure de suivi et de prescription du CRJ (Coût de Revient Journalier) alimentaire, mais prévoyant que les repas aux salariés ne viennent pas réduire le CRJ des repas des résidents ;
- que les portions de viande servies le soir sont réduites, sans pour autant que cette limitation aboutisse à des apports caloriques et protéiniques inférieurs aux recommandations officielles, les protéines étant essentiellement servies le midi ; que l’utilisation systématique de Protipulse (complément alimentaire riche en protéines) n’avait concerné qu’un nombre limité d’établissements, et ce, pendant la crise sanitaire ;
- l’existence d’un sous-effectif chronique, qui doit être mis en regard d’un marché de l’emploi tendu dans le secteur des EHPAD, étant précisé que les pratiques du Groupe ORPEA ne permettent pas de pallier ces difficultés touchant le secteur ;
- un pilotage de la masse salariale soin qui reste trop conditionné par le taux d’occupation et les objectifs de rentabilité ;
- L’existence de procédures de remontée des informations relatives aux événements indésirables conformes aux exigences réglementaires mais une sensibilisation insuffisante du personnel à leur application, entrainant l’absence ou le retard de signalements ;
- une procédure trop complexe du traitement des plaintes et réclamations qui ne permet pas un suivi efficace et exhaustif ;
- une politique de rémunération et d’incitation comportant un biais, pour les directeurs de régions, avec une approche trop financière, étant précisé que des critères de qualité sont retenus pour les directeurs d’établissements ;
- une politique privilégiant la récupération des heures supplémentaires à leur paiement, accentuant le problème de sous-effectif ;
- le caractère incomplet des dossiers du personnel dans 5% des cas et de manquements quant à l’établissement des DPAE dans 49% des cas ;
- une proportion significative de CDD (22%), en particulier pour les Aides-Soignants (33%), dont 8%, sur la base de l’échantillon analysé, ne respectent pas la règlementation relative au remplacement des CDI absents ou en attente de l’arrivée d’un CDI recruté ;
- une part majoritaire de licenciements pour faute grave, dont la moitié prononcée en raison d’un abandon de poste, et un taux de contestation des licenciements pour faute grave, faute lourde ou cause réelle et sérieuse de 12% conduisant pour une part significative des cas à une requalification du licenciement ;
- l’existence de cas de dépassement du nombre maximal d’occupants sans que cela relève d’une politique systématique ;
- des défaillances dans le traitement des questionnaires de satisfaction.
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