Qualité & management
Le Conseil consultatif national d’éthique ouvre la voie à « une aide active à mourir »
L’avis paru le 13 septembre bouleverse les repères éthiques
Le verdict est tombé mardi. Si, pour le CCNE, il ne peut y avoir de loi permettant le suicide assisté ou la fin de vie sans un meilleur accès aux soins palliatifs, le Conseil consultatif national d’éthique ouvre cependant la voie à une réforme de la fin de vie dans son avis du 13 septembre. Emmanuel Macron a immédiatement emboité le pas au conseil en annonçant l’ouverture d’une convention citoyenne sur le sujet dès le mois d’octobre. Suscitant des réactions partagées.
Vers une « aide active à mourir » ? L’avis du CCNE, rendu hier, la juge en tout cas « possible ».
« Il existe une voie pour une application éthique d'une aide active à
mourir, à certaines conditions strictes avec lesquelles il apparaît
inacceptable de transiger », a déclaré Alain Claeys, l’un des
rapporteurs de l’avis et le « papa » de la loi de 2016 sur la fin de
vie.
Le document de 63 pages présenté hier souligne néanmoins page 35 que « la société française a besoin, avant toute réforme, d’une accélération des efforts entrepris ces dernières années en faveur des soins palliatifs et de la formation des professionnels de santé à leur usage ».
Accès insuffisant aux soins palliatifs
Car l’accès aux soins palliatifs est encore loin d’être suffisant.
L’OMS indique ainsi qu’à l’échelle mondiale, seuls 14 % des personnes en ayant besoin y ont accès.
En France, on dénombre 7500 lits de soins palliatifs à l’hôpital, pour répondre aux besoins de 100 et 150 000 personnes par an.
Ce qui peut expliquer pourquoi les Français se prononcent en grande majorité en faveur de l’aide active à mourir.
Selon la présidente de la
Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (Sfap) Claire Fourcade, « la plupart des demandes d'euthanasie cessent
lorsqu'il y a une prise en charge de la douleur sur le plan physique et
psychique. Nos patients ne nous demandent pas de mourir dans la dignité,
mais de vivre dans la dignité ! ».
Reste qu’Emmanuel Macron a annoncé, conformément à ses promesses de campagne, la tenue d’une convention citoyenne sur la fin de vie dès l’avis du CCNE rendu. Organisée par le Conseil économique, social et environnemental, elle doit être constituée le mois prochain et rendre son avis en mars.
« Dans le même temps, des débats seront organisés dans les territoires par les espaces éthiques régionaux afin d’aller vers tous les citoyens et de leur permettre de s’informer et de mesurer les enjeux qui s’attachent à la fin de vie », précise la Présidence.
Des travaux parlementaires doivent être également lancés, pour une potentielle évolution du cadre législatif d’ici à fin 2023.
Vers quoi se dirige-t-on précisément ?
Suicide assisté, comme l’a choisi Jean-Luc Godard mardi ? Euthanasie, c’est-à-dire l’interruption volontaire et médiale de la vie par un médecin ? L’annonce présidentielle se garde bien de trancher.
L’article 1 de la proposition de loi donnant et garantissant le droit à une fin de vie libre et choisie, déposée en 2017 mais approuvée par l’Assemblée nationale le 8 avril 2021, dispose que « toute personne capable et majeure, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, provoquant une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée ou qu’elle juge insupportable, peut demander à disposer, dans les conditions prévues au présent titre, d’une assistance médicalisée active à mourir.
L’assistance médicalisée active à mourir est définie comme la prescription à une personne par un médecin, à la demande expresse de celle-ci, d’un produit létal et l’assistance à l’administration de ce produit par un médecin […] ». Il s’agit donc d’une euthanasie.
Pour le professeur Emmanuel Hirsch, « il est assez évident que cet
article constituera le point déterminant de la future législation
relative à la fin de vie ».
Donner la mort n’est pas un soin
Si le bureau de la CFDT retraités soutient le « droit de toute personne à mourir dans la dignité et d’être acteur de sa fin de vie », il demande aussi à nouveau « le développement des soins palliatifs souvent encore inaccessibles alors même que la loi actuelle prévoyait leur généralisation ».
De nombreux professionnels en revanche ne veulent pas d'une nouvelle loi. Dans un communiqué commun, la Sfap (Société française d’accompagnement et de soins palliatifs), le MCoor (Association nationale des médecins coordonnateurs en Ehpad et du médico-social), la Fnehad (Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile) et une demi-douzaine d’autres organisations soulignent que leurs « pratiques soignantes d'aujourd’hui s'inscrivent dans une déontologie et une éthique médicale collégiale claire, caractérisée par une longue continuité historique. Avec le changement de paradigme envisagé par le CCNE, c’est cette continuité qui pourrait demain être rompue ».
L’association d’étudiants et de jeunes soignants Soigner dans la dignité se prononce elle aussi contre une telle évolution de la loi.
Par ailleurs, huit des 45 membres du CCNE ont souhaité émettre leurs réserves sur cet avis. Pour eux, un certain nombre de prérequis doit être effectif, dont l’accès aux soins palliatifs pour toute personne en fin de vie, avant d’envisager toute modification du cadre législatif.
Ils s’interrogent aussi sur le message qu’enverrait une loi autorisant l’euthanasie à la société, aux personnes gravement malades, handicapées ou âgées et au personnel soignant.
« Franchir ce pas législatif sans ces efforts préalables représenterait un risque de renoncement que nous ne souhaitons pas prendre », concluent les huit signataires.
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