Politiques grand âge
Rétrospective : 2024, l’année de l’incertitude
Entre crises politiques, dérèglement climatique, inflation qui perdure et conflits internationaux, 2024 a été éprouvante pour une majorité de Français. Et le secteur grand âge n’est pas épargné : les professionnels et les personnes fragiles qu’ils accompagnent ont été frappés de plein fouet, tout au long de l’année, par des vagues de doutes, de difficultés et d’instabilité. Retour sur une année compliquée, en espérant de jours meilleurs pour 2025.
Incertitude climatique
Avec de sévères inondations et une vague de grand froid pour démarrer l’année, et la catastrophe à Mayotte pour la terminer, difficile de nier la réalité du changement climatique et son impact sur les populations.
La branche autonomie, consciente de l’urgence, prend sa part, même si elle compte seulement pour environ 1,5 % des émissions nationales de gaz à effet de serre, estime le Shift project.
Mais si l’ensemble des acteurs montrent « une réelle volonté d’agir » en ce sens, « la prise en compte des enjeux environnementaux dans le pilotage du plan Ségur reste encore insuffisante aujourd’hui », regrette l’Igas dans un rapport rendu public début juillet.
Incertitude politique
Côté politique, l’année commence par un remaniement : Fadila Khattabi succède à Aurore Bergé.
Les pros sont désabusés… mais continuent de se bouger, vaille que vaille. Ils lancent des initiatives, comme l’Uniopss qui appelle à la mobilisation de tout le secteur non lucratif, qui se constituera en Comité national permanent du secteur non lucratif des solidarités et de la santé en juillet, ou la Fnadepa qui veut secouer les politiques publiques, et rallie à sa cause une vingtaine d’organisations du secteur à la rentrée.
Des coalitions précipitées par l’instabilité politique qui règne tout au long de l’été : la dissolution surprise de l’Assemblée nationale le 9 juin laisse la France sans gouvernement pendant de longues semaines. Le 21 septembre, Paul Christophe devient ministre de l’Autonomie, de plein exercice.
Un poste qu’il ne conservera pas longtemps, puisque le gouvernement Barnier tombe le 4 décembre suite à une motion de censure provoquée par le recours à l'article 49.3 pour l'adoption, par l'Assemblée nationale, du PLFSS 2025.
Pas de budget de la Sécurité sociale, et pas non plus de gouvernement jusqu’au 23 décembre, lorsque le nouveau Premier ministre François Bayrou dévoile les noms des 35 ministres qu’il a choisis. Avec le retour de Catherine Vautrin, désormais ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles.
Elle sera épaulée par Astrid Panosyan-Bouvet au Travail et de l’Emploi ; Yannick Neuder à la Santé et l’Accès aux soins ; et Charlotte Parmentier-Lecocq, à l’Autonomie et au Handicap.
Une plutôt bonne nouvelle pour le grand âge puisque l’ex-députée connaît bien le secteur. Elle avait notamment signé en 2017 le rapport d’information sur la mise en application de la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, puis un rapport sur la santé au travail en 2018. La rédaction l’avait alors rencontrée.
Une nomination saluée aussi par les organisations professionnelles, comme le Synerpa et l’AD-PA, désormais emmenée par l’Aveyronnais Pierre Roux, suite au départ à la retraite de Pascal Champvert au printemps.
Incertitude législative
Vidée de sa substance puis à nouveau enrichie, la proposition de loi Bien vieillir et les débats qu'elle a suscités ont tenu le secteur grand âge en haleine tout au long du premier trimestre.
Elle est finalement publiée au Journal officiel du 9 avril, après son adoption définitive au Sénat le 27 mars. Avec une mesure phare : la promesse d’une loi de programmation pour le grand âge… qui n’arrivera pas en 2024.
L’autre texte qui fait réagir le secteur en 2024, c’est le projet de loi sur la fin de vie, présenté en conseil des ministres le 10 avril. Malgré la promesse d’allouer 1,1 milliard sur 10 ans pour rattraper le retard français en matière de soins palliatifs, les professionnels sont nombreux à juger le projet d’une « grande violence ».
Mais la dissolution parlementaire vient mettre un terme aux débats. Puis la motion de censure empêche l’adoption du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025. Même s’ils le jugeaient « famélique », cette situation inédite inquiète les professionnels.
Incertitude au cœur même des structures
D’autant qu’ils restent en grandes difficultés, avec une crise du recrutement qui perdure en Ehpad comme à domicile, des taux d’occupation en berne en établissements – même s’il semble avoir du mieux en 2024. Car après le covid, le scandale Orpea, la crise de confiance est bien là, en particulier en direction des Ehpad privés.
A ces conditions difficiles s’ajoute l’épuisement des soignants, mesuré par un autre rapport du Sénat. Pour les soutenir, les associations se mobilisent, comme SPS, qui propose notamment soutien psychologique et formation, ou Siel Bleu, qui a développé un programme basé sur l’activité physique en direction des pros.
Malgré tout, les établissements pour personnes âgées évalués en 2023 tirent leur épingle du jeu en matière de qualité, avec des cotations légèrement supérieures à la moyenne. Les structures du domicile, elles, ne sont pas encore entrées dans la démarche, car elles disposent d’un délai du fait de la réforme des services autonomie à domicile.
Reste qu’il faudra trouver de nouvelles solutions pour financer l’autonomie, au vu des tensions actuelles et des besoins à venir. Les rallonges ponctuelles ne suffisant plus, et les Départements se trouvant désormais au pied du mur.
Un rapport présenté par le Sénat à la rentrée propose de nouvelles pistes, dont la création d’une deuxième journée de solidarité. Une idée qui ferait peser l’effort de financement essentiellement sur les salariés : nombre de travailleurs et de syndicats la jugent inéquitable.
Une certitude malgré tout : les JO ont conquis la France et le monde
Il y a malgré tout un événement qui a mis du baume au cœur des Français l’an passé. Le succès des Jeux olympiques, l’engouement populaire qu’ils ont suscité ont réconcilié tout le monde, ou presque. Leur impact sur le long terme reste malgré tout incertain : l’envie de bouger qu’ils ont fait naître va-t-elle perdurer ?
En tout cas, le monde du grand âge a désormais tous les outils pour continuer à faire vivre l’esprit olympique – y compris en matière d’hygiène des mains !
Les Jeux ont mis en lumière les capacités restantes des âgés, parties prenantes de l’événement, et les nouveaux référents activité physique des Ehpad pourront s’appuyer sur des ressources dédiées pour les préserver.
Sans oublier toutes les interventions du colloque des approches non médicamenteuses, qui avait pour thème cette année les valeurs de l’olympisme au service des athlètes du prendre-soin. Sportifs, philosophes, sociologues, coachs et équipes de terrain sont venus apporter leur regard en novembre, à retrouver tout au long de l’année sur agevillagepro, aux formats texte et audio.
Dernier hommage
Avant de tourner définitivement la page de cette difficile année 2024, la rédaction souhaite rendre un dernier hommage aux figures du secteur qui nous ont quittées cette année.
La créatrice de la Validation, Naomi Feil, une pionnière qui a consacré sa vie à faire évoluer le prendre soin des personnes âgées, malades, désorientées, et à partager ses rêves : accepter la réalité, l’âge.
Claudie Paugam, qui a porté dès les années 1980 une approche nouvelle de la vieillesse, et inventé les petites unités de vie, à contre-courant des modèles établis pour offrir « un chez-soi à plusieurs » aux personnes âgées. L’approche domiciliaire avant l’heure.
Légende engagée du rugby et de la gériatrie, Lucien Mias voulait « emmerder les gens jusqu’à cent ans ». ll est finalement parti à l’âge de 93 ans, non sans avoir partagé son amour du métier, ses connaissances et sa vision du prendre soin en créant la liste de diffusion et d’échanges professionnels Gérialist et le site Papidoc.
La Fondatrice de La Compagnie des Aidants, celle qui a sillonné les routes avec la caravane Tous Aidants, qui a secoué tous les acteurs, semblait inarrêtable. Chevalier de l’ordre national du Mérite, Claudie Kulak avait une énergie à la hauteur des difficultés qu'elle avait vécues et qu'elle défendait : celle des proches aidants.
Enfin, le gériatre Christophe Trivalle, rédacteur en chef de la revue Neurologie Psychiatrie Gériatrie (NPG), investi dans la défense de l’hôpital public, pour l’accès aux soins, mais aussi dans la lutte contre les fake news en santé.
Merci pour tout ce qu’ils ont apporté aux professionnels, et surtout aux personnes qu’ils accompagnent.
Et demain ?
Après une année particulièrement difficile, comment affronter les mois qui viennent ?
En jouant la carte de la transgression, comme l’AD-PA qui appelle à cesser de répondre aux contraintes administratives jugées inutiles pour consacrer son énergie à l’accompagnement des personnes ?
En se concentrant sur des projets inspirants, en décidant de faire autrement ?
En faisant confiance aux nouvelles technologies ?
Quelle que soit l’option retenue, nous en sommes convaincues à la rédaction, les professionnels ne lâcheront rien. Et alors que notre 25eme anniversaire se profile, agevillagepro restera, comme depuis 2000, à vos côtés.