Accompagnements & soins
Vieillir n'est pas une maladie : hommage à Paulette Guinchard
Les hommages pleuvent depuis que nous avons appris le décès de Paulette Guinchard ce jeudi 4 mars.
L'ancienne secrétaire d'Etat chargée des personnes âgées sous le gouvernement Jospin avait porté la loi APA : Allocation personnalisée d'autonomie en 2001. Militante au sein du collectif Une société pour tous les âges que j'anime, elle nous racontait à quel point elle aurait aimé pousser cette allocation vers un vrai droit à compensation des situations de handicap quel que soit l'âge, vers un vrai 5eme risque de protection sociale. Elle s'était heurtée au poids des départements, au Sénat tout particulièrement. Et puis cette APA pour les plus âgés n'avait pas empêché le séisme politique d'avril 2002. Les ministres qui ont suivi n'ont alors jamais obtenu d'arbitrages vers la création d'un 5eme risque, jusqu'à récemment... mais sans financements dédiés, pérennes, solidaires, via une loi Grand âge constamment repoussée.
Vieillir c'est vivre sur les territoires
Paulette Guinchard était une élue du Doubs, fille d'agriculteurs, professionnelle de terrain. Cette ancienne infirmière en psychiatrie devenue ministre osait pointer les réalités de terrain : le besoin d'informations et de coordinations locales (avec la création des CLIC), les besoins de professionnalisation et de démarches qualité de l'aide et des soins aux domiciles jusqu'aux établissements d'accueil avec la loi 2002-2.
L'autonomie, l'autonomie, l'autonomie
Présidente de la CNSA de 2013 à 2017, Paulette Guinchard poussait cette "maison commune de l'autonomie" à favoriser l'expression de l'expertise des personnes en situation de handicap, des proches aidants, et des pluri-professionnels de terrain qui prennent soin et accompagnent l'autonomie. Directement concernée par la maladie invalidante, Paulette Guinchard a choisi le suicide assisté pour sa toute fin de vie.
Parce que "vieillir c'est vivre : alors dites-le !"
Paulette Guinchard avait déployé des Cafés des âges pour oser parler du sujet tabou de l'avancée en âge, de la sexualité jusqu'au bout de la vie (voir sa conclusion de notre colloque annuel
Agevillage/Humanitude sur les approches non médicamenteuses en 2013).
Elle n'abandonnait pas la lutte contre les discriminations liées à l'âge. Elle aurait surement suivi la proposition de loi d'Audrey Dufeu-Schubert contre l'âgisme et les outils de l'Anact contre les discriminations hommes/femmes.
Vieillir n'est pas une maladie
Elle osait interroger la culture soignante qui sait ce qui est bon pour l'autre, sans abandonner les soins pour autant. Elle regrettait souvent qu'à côté des médecins coordonnateurs en Ehpad, elle n'avait pu imposer un "référent de la vie sociale", de la citoyenneté de chaque personne fragilisée, debout jusqu'au bout, malgré tout. On imagine qu'elle aurait questionné aujourd'hui la vaccination des professionnels pour assurer une réouverture des Ehpad, pour la liberté d'aller et venir.
Tensions éthiques, enjeux politiques
Comme nous le montre l'actualité du Ségur, nous sommes toujours en tension entre d'un côté le renforcement de la médicalisation, la création de services "sécurisés", en transition numérique (avec des millions d'euros mobilisés via des appels à projets) et de l'autre le déploiement de réponses moins institutionnalisées, moins médicalisées mais sans abandon de soin pour autant. Des propositions à taille humaine, clairement centrées sur l'approche domiciliaire, financées, alliant approches médicamenteuses et non-médicamenteuses comme ce cirque adapté en Occitanie, par exemple. Des enjeux politiques au sens noble du terme en échos aux 25 propositions de la Fnadepa dévoilées ce matin autour de 3 axes
- soutenir les professionnels du grand âge : une urgence sociale, face aux manques d'attractivité et à l'augmentation des besoins de la transition de la longévité, via des recrutements, la refonte des formations, les rémunérations, une communication inclusive.
- optimiser le parcours de vie des personnes âgées : un impératif éthique, avec la nécessité de reconnaître le professionnalisme gériatrique dans des offres décloisonnées.
- stabiliser la gouvernance et les financements des territoires : des moyens essentiels, en faisant notamment évoluer les Agences régionales de santé et de l’autonomie (ARSA) et des financements à la hauteur (à hauteur de 9,2 milliards d’euros d'ici 2030 pour doté la 5ème Branche Autonomie cf. rapport Libault de 2019).
Le décès de Paulette Guinchard rend orphelins les professionnels de la gériatrie, de la gérontologie. Ils ont perdu une ardente défenseure de leurs causes.
Nous présentons nos sincères condoléances à ses proches et resterons inspirés par son parcours, son expérience et son engagement pour la vie avant les soins.
Au revoir madame Guinchard, au revoir Paulette.
Merci.
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