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Politiques grand âge
Padrig Mahé, chargé de mission au sein d’une association du secteur des personnes âgées, constate que la société est maladroite et froide dans la place qu’elle donne aux personnes avancées en âge, alors même qu’elle cherche à leur apporter une aide. C’est dans nos relations individuelles, familiales, que nous aurions, chacun, la possibilité d’établir une relation équilibrée, dans laquelle chacun apporte à l’autre, quel que soit l’âge. Mais, pour y arriver, nous devons tous être des créateurs, attentifs, aimants, imaginatifs, de relations humaines consistantes.
« Qu’importent les jours, les années, ils avaient tous l’âme bien née. »
Jean Ferrat, extrait de la chanson La montagne.
Quand on porte attention à ce qui se dit ou s’écrit sur la population des personnes les plus avancées en âge, au sein de notre société (leur nombre, leur santé, leur forme, leur cognition, leur longévité, leurs fragilités, leur quotidien, leurs besoins, leur consentement, …), on a l’impression, au fil de multiples sujets médicaux, juridiques, économiques, sociaux, technologiques, que leur propre vision de leur place dans la société est peu relayée.
Ne devrait-elle pas être constante et centrale ? Pensons-nous sciemment que les personnes les plus avancées en âge doivent être éloignées du centre de gravité de la société ? Ne sont-elles pas des autres nous-mêmes ? Parce qu’elles ont besoin d’assistance solidaire, on ne reconnaitrait, aux personnes d’un âge avancé, qu’un rôle de bénéficiaires ?
Les aînés sont une composante identitaire de notre société au même titre que les enfants, les jeunes et que les personnes dans leur vie active.
Les seniors font partie du collectif des adultes. Laissons-leur les rênes comme aux autres adultes. Quand la société parle et agit, qu’elle parle et agisse au nom de tous les âges de la vie, qu’elle se sente, en cœur et en raison, incarnée par tous les âges de la vie.
Qu’elle se voit comme un tout riche et divers qui n’entend pas être démembré d’une partie de son ADN, de son savoir, de son expérience, de ses attentes et de ses besoins. Que chacun de nous soit partie prenante, écoutée et respectée, quand il s’agit de définir l’aide à recevoir de la société.
Cette aspiration peut trouver plus facilement application au sein du cercle familial. Une famille soudée prend en compte, avec intelligence et sensibilité, les situations de chacun de ses membres. Quelle que soit l’avancée dans l’existence, chacun vit, chacun doit pouvoir dire, chacun doit être pleinement entendu. L’aîné doit pouvoir peser sur son destin. Pour cela, chacun a pour mission de faire preuve d’écoute, d’empathie, d’imagination. Ensemble, les parents continuent à éprouver leurs liens réciproques, par des attentions, des aides, des projets, des discussions. Ainsi, chacun, même avancé en âge, a son rôle à jouer dans la cellule de vie familiale.
Pour participer à cette proximité entre tous, sachons être simples et authentiques, sans enrober l’âge et le grand âge d’un cérémonial ou d’un ton emprunté. Aidons juste notre parent, avec tendresse et sérénité, à faire face, à vivre, à s’intéresser au monde et aux personnes. Ayons ensemble de la conversation, permettons-nous d’écouter, de réfléchir, de transmettre, de créer, de rire, de chanter, de partager. Permettons ainsi, aux aînés, d’atténuer les vagues à l’âme, d’aérer leur quotidien et de partager, avec nous, le plaisir d’être là. Offrons-leur aussi nos confidences, qu’ils gardent le lien avec votre intimité et leur rôle de conseil. Que chacun puisse être utile auprès des autres.
Que ce soit dans la sphère publique ou dans le cercle privé, cherchons le cœur d’humanité de chaque être vivant. Cherchons la personne, pas le convenu, pas le catégoriel, pas l’image d’Epinal. Ne nous cantonnons pas au matériel, aux soins, au confort, aux repas, à la sécurité. Elargissons la vie, en allant vers l’autre pour le connaître, l’écouter, l’accompagner, le mobiliser, le maintenir en lien avec la terre, la culture, la société tout en participant à ses pensées et à son bien-être.
Il me semble qu’en sortant de notre coquille, en faisant « grandir notre flamme intérieure d’humanité », en donnant un contenu consistant aux relations que nous nouons avec les autres, nous donnerions davantage de chance à ce que chacun perçoive le rôle qu’il peut jouer dans la société. La relation humaine est un gisement à réflexions et à actions, à idées et à projets, à coopération et à confiance.
Elargissons nos compétences relationnelles, allons vers les autres pour nouer des échanges authentiques, pour réfléchir ensemble, pour transmettre de l’expérience, pour créer en collaboration, et ainsi, vivre plus intensément. Que l’on se place à hauteur de société ou à hauteur de famille, il nous faut trouver la façon de conjuguer aide aux aînés avec rôle éminent des aînés.
« Savoir que la fraternité viendra à votre secours dans les moments difficiles ou dans le grand âge est un immense soulagement mais qu’advient-il si cette aide est accordée de façon impersonnelle, parcimonieuse, réticente, sans la moindre reconnaissance de ce qu’on a soi-même donné aux autres en des temps meilleurs ? » Théodore Zeldin – Les plaisirs cachés de la vie (2014)
« Il y a un besoin de solidarité concrète et vécue, de personne à personne, de groupes à personnes, de personne à groupes... Il ne s’agit pas de promulguer la solidarité mais de libérer la force inemployée des bonnes volontés. » Edgar Morin et Sabah Abouessalam - Changeons de voie (2020)
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Merci M. Mahé pour votre tribune oh combien juste et pertinente.
J'aime beaucoup votre approche très humaine de cette problématique et votre discours assez novateur, cette façon très libre et décomplexée d'aborder le sujet de nos futurs vieux jours, ceux de nos parents aujourd'hui, leur rôle dans la société et ce qu'il pourrait devenir demain si chacun d'entre nous prend le temps de réfléchir à ce sujet pour trouver des solutions novatrices et utiles pour cette même société.
Bravo et merci Monsieur !